Il y a bien des années j’ai mené plus d’une bataille contre le machisme et la misogynie qui régnaient sur la scène musicale rock du Québec. Je ne me doutais point à l’époque que des décennies plus tard peu de choses auraient changé sur notre planète et que les femmes seraient toujours vulnérables face à cette culture de haine et d’abus de pouvoir, le parent de la culture du viol, le patriarcat.
Survivante , je me déplace aujourd’hui avec mon chien d’assistance, un berger allemand croisé. J’ai aussi sur moi la prescription de mon médecin sur un papier portant le sceau officiel du MSAR Service Dog.
Il faut savoir que la personne accompagnée d’un chien guide ou d’assistance ou une prescription d’un médecin, a le droit d’avoir accès, sans discrimination, aux lieux publics (tels que les commerces, les restaurants, les hôtels et les gîtes), transports en commun et taxis, lieux de travail et lieux de loisirs tels que les campings et les cinémas.
Lors de mes déplacements et systématiquement, on me pose des questions, car rares sont ceux qui connaissent les chiens d’assistance, surtout dans le cas de stress post-traumatique. Inusitées sont aussi les insultes qui surgissent, mais cela peut arriver. Ce fut le cas au Centre Bell le 17 septembre dernier dans le cadre du Global Citizen, un spectacle engagé pour vaincre le sida, la tuberculose et la malaria dans le monde. Participaient à l’événement, Sophie Grégoire et Justin Trudeau, Bill Gates, Half Moon Run, Usher et plusieurs autres personnalités.
J’y ai vécu littéralement une bonne heure et demie de cauchemars avant le concert parce que je me suis présentée avec mon chien d’assistance. Pourtant, quarante-huit heures plus tôt, la billetterie avait pris soin d’inscrire à mon dossier d’achat une note stipulant que je serais accompagnée de mon chien d’assistance.
Évidemment que pour accueillir notre premier ministre et Bill Gates, le Centre Bell n’avait rien négligé sur le plan de la sécurité. Cependant, j’ai eu droit à un débordement sans raison de la part d’un agent. Déplorable et très déstabilisant.
L’agent, sur un ton hargneux crie à son collègue en voyant mon chien :
— Aye, des chiens, ça entre ça dans le centre Bell?
Et puis en se retournant vers moi :
— Madame, les seuls chiens qui sont ici ce soir sont les chiens de police, vous êtes une police? C’est quoi votre chien? Il a des plaques? C’est quelle race? Vous êtes qui vous?
J’ai beau vouloir répondre et donner des explications et lui présenter mes papiers, je reçois systématiquement :
— Madame, c’est moi qui parle ici, pas vous. J’ai pas de besoin de vos papiers. C’est n’importe quoi.
Et puis, après moult commentaires gratuits il finira par me dire :
— Vous entendez le gros chien de 140 livres de la SQ qui aboie? Et bien, imaginez s’il voit votre chien, il va l’attaquer et le tuer, vous voulez pas ça n’est-ce pas?
Vous devinez bien que je suis assommé par ce que je viens d'entendre de la bouche d'un agent qui est là pour assurer la sécurité des gens. Cependant, puisque je ne suis pas du genre qui abandonne, j’irai me stationner sous la pluie diluvienne qui tombe ce soir-là sur Montréal pour contacter la billeterie et comprendre ce qui vient d'arriver. Après une vingtaine de minutes d’attentes et de pourparler, la responsable de la billetterie s’excuse et m’invite à retourner au Centre-Bell. Elle me rassure que je serai bien prise en charge et qu’il s’agissait là d’une bien triste erreur. « Les gens sont maintenant avertis » me dit-elle, « vous serez bien accueillie ».
Confiante, mais fatiguée, je me présente à nouveau au Centre Bell. Cependant, avant de regagner mon siège, je recevrai la dernière grogne de l’agent et sur un ton on ne peu plus méprisant :
— Vous êtes encore là vous?
Eh bien oui j’y étais encore et je prendrai tous les moyens nécessaires afin de continuer de faire valoir mes droits et celles de toutes les survivantes de violences sexuelles.
Je ne suis pas du genre qui abandonne même s’il m’arrive de m’essouffler. Les batailles que j’ai à mener font partie de mon quotidien et du quotidien de toutes les survivantes. Il faut en parler.