Témoignage pour le projet Hippocampe J'ai survécu mais je n'ai jamais réussi à vivre pleinement en touchant le vai bonheur, je crois. Pour cette raison... Et possiblement tant d'autres... Je n'ai réussi qu'à être l'ombre de moi-même, en désolation constante de gâcher le potentiel de mes multiples talents et de saboter ma mission de vie. Mon grand
Témoignage pour le projet Hippocampe J'ai survécu mais je n'ai jamais réussi à vivre pleinement en touchant le vai bonheur, je crois. Pour cette raison... Et possiblement tant d'autres... Je n'ai réussi qu'à être l'ombre de moi-même, en désolation constante de gâcher le potentiel de mes multiples talents et de saboter ma mission de vie. Mon grand vide existentiel tout au long de mon existence m'a toutefois offert le cadeau de survivre, en m'invitant à une grande quête spirituelle et à une recherche de vérité sur la violence non seulement faite aux femmes mais à tous les êtres vivants et à la Femme que j'aime les plus au monde, Mère-Terre Gaïa. Les attouchements sexuels que j'ai subis par mon grand-père paternel, le fait de n'avoir pas été écoutée, qu'on ait banalisé la situation et déclaré l'omerta au profit du monde adutle, m'a conduit à un sentier pavé d'interminables violences dont je me sens en partie responsable et coupable. Aucune de mes relations intimes n'ont été dépourvues d'abus, sous forme de subtiles agressions émotionnelles, psychiques et de violences physiques et sexuelles brutales. J'ai 57 ans et jusqu'à tout récemment je n'avais pas réalisé et considéré que ces histoires que j'ai tues et banalisées à mon tour, comme on me l'a si bien appris, pouvaient être en partie du moins, la cause de difficultés relationnelles, de honte, de manque de confiance, de trouble face à la sexualité, de l'impression d'être repoussante, indésirable, de ne pas être aimable et de n'avoir pas réussi de vie professionnelle en étant constamment en mode sabotage et en tuant mon hypercréativité dans l'oeuf. Je mes suis habituée à stagner dans un vide existentiel de souffrances permanentes avec un désir profond et récurant de quitter le voyage. C'est mon chemin et je dois l'accepter, c'est ce que je me suis toujours dit. pour me rassurer, me responsabiliser. J'ai pris l'habitude de prendre mon trou et du surfer en surface en publique en gardant la plupart de mes profondeurs pour moi. Après tout j'ai horreur d'être une victime. Je rêve d'être un femme pleinement épanouie et accomplie, c'est ce que je veux faire miroiter...................... J'ai pris conscience il y a longtemps et encore un peu plus aujourd'hui, des offrandes derrière ces brumes épaisses de tabous: Entre autres, des occasions en or de pardonner, d'augmenter mon amour-propre, d'avoir accès à un degré de sensibilité et d'empathie hors du commun face à la détresse des autres et une compréhension sans jugement. Maintenant, suis-je reconstruite? Je dirais relativement, comme une oeuvre d'artisan faite de morceaux disparates et avec les moyens du bord comme on dit et d'une manière fragmentée, inachevée. Résulat de n'avoir jamais demander d'aide peut-être? Ceci dit, ce premier témoignage m'ouvre un nouveau chemin surprenant de guérison, m'invite à faire un pas de plus pour m'accueillir et j'en éprouve une grande gratitude envers la gardienne d'hippocampe.
Elfico
Toute petite, j’ai subi des agressions à caractère sexuel de la part de quatre oncles de ma famille paternelle, dans la maison ou j’ai demeuré tout mon enfance et mon adolescence. Du côté maternel, un de mes oncle et mon grand-père ont aussi commis ce crime sur ma petite personne.
Enfant, j’errais dans mes familles et je survivais à ces crimes
Toute petite, j’ai subi des agressions à caractère sexuel de la part de quatre oncles de ma famille paternelle, dans la maison ou j’ai demeuré tout mon enfance et mon adolescence. Du côté maternel, un de mes oncle et mon grand-père ont aussi commis ce crime sur ma petite personne.
Enfant, j’errais dans mes familles et je survivais à ces crimes odieux. À l’époque, je me souviens de m’être poser la question « pourquoi moi », aujourd’hui je sais que c’est parce que j’étais vulnérable et sans défense. J’étais une petite fille qui désirait vivre à tout prix, eux, avec leurs gestes monstrueux, horripilants et des plus déshumanisants ont voulu éteindre ma flamme intérieure. J’avoue, ils ont presque réussi parce que je me sentais comme un objet, sans valeur et que n’importe qui pouvait utiliser et jeter à leur bon vouloir. Toutefois, une petite braise persistait tout au fond de mon cœur, elle ne voulait pas s’éteindre et disparaître.
Adulte, j’ai pris soin d’alimenter cette petite braise afin de la raviver pour qu’elle se rallume et devienne énergique, animée et durable pour que je puisse vivre. À l’aube de mes 45 ans, j’ai pu enfin trouver ce que tout être humain possède à la naissance, soit mon humanité. J’étais maintenant un être humain à part entière.
Aujourd’hui, je me tiens debout devant la terre entière pour crier haut et fort « JE SUIS VIVANTE »
Aujourd’hui, je consacre une partie de ma vie à mieux comprendre ce trauma que provoque les agressions sexuelles afin d’accompagner des personnes comme moi, qui veulent reprendre le pouvoir sur leur vie. Aujourd’hui, je dénonce les injustices de nos institutions et leurs valeurs incultes et rétrogrades et surtout basé sur des préceptes archaïques ne tenant nullement en compte une évidence : Une agression sexuelle est un meurtre camouflé. Ce crime doit être considéré au même titre qu’un meurtre au sens propre de la loi.
C’était un soir comme les autres, j'étais si fatiguée de vivre dans une relation violente. J’avais écrit une lettre de suicide, j’avais beaucoup bu et j’ai décidé de le faire, de me tuer pour qu’enfin ça finisse. J'étais dans notre maison au salon, je me suis dirigée vers la cuisine avec l'intention de prendre un couteau pour me trancher les
C’était un soir comme les autres, j'étais si fatiguée de vivre dans une relation violente. J’avais écrit une lettre de suicide, j’avais beaucoup bu et j’ai décidé de le faire, de me tuer pour qu’enfin ça finisse. J'étais dans notre maison au salon, je me suis dirigée vers la cuisine avec l'intention de prendre un couteau pour me trancher les veines mais je suis tombée avant d’arriver, black out total, je n’ai aucun souvenir de ma chute, ni du temps que j’ai été inconsciente…! Mon conjoint m’a trouvé étendu au sol, je me souviens que j'étais incapable de marcher, qu'il m'a soulevé et soutenu jusque dans la chambre à coucher. Je ne sais pas comment je me suis déshabillée ou s’il m’a aidé, mais je me souviens de son corps sur le mien, de son sexe me pénétrant sans arrêt pendant que je répétais sans cesse, la lettre, la lettre, je ne veux pas que Maxime voit la lettre. Maxime étant notre fils. Quand ça été fini, il a ramassé la lettre, il l'a lu, il l'a détruite et il m'a regardé et dit: une chance Maxime n’a pas trouvé ta lettre. Il ne m'a jamais posé de question, ni demandé comment j'allais ou si j’étais malade, il m’a juste violé comme si c'était normal et je n’ai rien dit. J’aimerais dire que suite à cela j'ai été courageuse, que je l'ai laissé, que je suis partie mais j’en étais incapable, j'avais si peur de lui, la peur, toujours, la peur..., Laisser un homme violent ce n'est pas seulement une question de courage, mais de survie car si tu pars, il va peut-être tuer ton corps, même si tu es déjà morte en dedans, une morte vivante. Finalement il m'a laissé et je suis partie, enfin...! Par la suite, il l'a regretté et la violence a recommencé. Il a multiplié ses agressions verbales, il a tout fait pour que ma vie devienne un enfer en se servant de nos filles. Et j'ai touché le fond à nouveau. J'ai fait un autre tentative de suicide. À partir de ce moment j'ai commencé à me reconstruire car j'ai eu de l'aide d'une intervenante qui m'a cru, elle a validé ma souffrance. Il suffisait qu'une personne me croit, que j'ose dire ce que je vivais pour m'en sortir et enfin vivre! J'ai cessé de déambuler en faisant semblant que tout allait bien, j'ai commencé à mettre des mots sur ce que j'avais vécu, à faire des choses pour moi, juste pour moi! Mais surtout à être douce avec moi et à m'écouter. J'ai commencé à pleurer avec des larmes, j'ai beaucoup pleuré avant qu'on me croit, mais sans larme. Le silence a été mon pire ennemi et son complice. Oui, la personne que j'aimais m'a violé, m'a tué, m'a tout enlevé, mais j'ai tout regagné.
Un mot à la fois
C’est pour illustrer le phénomène de victimisation secondaire que j’offre des descriptions graphiques de la violence institutionnalisée de notre société et qu’elle aborde, sans détour, l’agression sexuelle armée avec séquestration et tentative de meurtre que la jeune fille mineure que j’ai été a vécu.
Cette agression, par un
Un mot à la fois
C’est pour illustrer le phénomène de victimisation secondaire que j’offre des descriptions graphiques de la violence institutionnalisée de notre société et qu’elle aborde, sans détour, l’agression sexuelle armée avec séquestration et tentative de meurtre que la jeune fille mineure que j’ai été a vécu.
Cette agression, par un presque inconnu, a été coordonnée en complicité avec deux amis en qui j’avais confiance. Ils étaient membres de la même équipe de football que celle de mon agresseur et m’avaient conviée à un « after-party » chez ce dernier (que je connaissais à peine) auquel ils ne se sont jamais présentés. Ces « amis » n’ont donc pas participé à l’acte en tant que tel, mais ils en ont été complices en plus d’avoir participé au camouflage et au harcèlement continu (avec le soutien d’autres membres de l’équipe qui honoraient le « Bro Code 3») dont j’ai été l’objet suite au dévoilement de cette situation à une amie. Cette dernière, ayant été violée par le même homme l’année précédente, a divulgué mon histoire - sans mon autorisation - à l’un des capitaines de l’équipe ce qui a eu l’effet d’une bombe.
En effet, un jour de février ou même mars, je m’étais suis réunie dans un café avec elle. Entre deux fous rires à jaser de gars, j’avais glissé le nom de mon agresseur afin de savoir ce qui se disait sur lui. Le visage de cette amie s’est aussitôt assombri et est devenu livide. Il ne m’en fallait pas plus pour que je comprenne.
Je lui avais demandé « est-ce qu’il t’a violée toi aussi ? » et c’est là qu’elle a éclaté en sanglots. En parlant ensemble, on s’est rendu compte qu’il avait le même motus operandi. Nommer à voix haute la façon dont on s’était retrouvées enfermées avec lui fut immensément libérateur pour moi.
J’étais soulagée de constater que non seulement j’avais raison d’être troublée, mais que tout ça était parfaitement calculé. Au point où cette fille m’a même dit, en pleurant, que si seulement elle en avait parlé ; peut-être que ça ne me serait jamais arrivé. Je ne vais jamais oublier cette soirée puisque c’était tout ce dont j’avais besoin à ce moment-là. Ni plus, ni moins.
J’ai donc été profondément brusquée quand elle décidé d’en parler. Je n’étais pas prête et je lui en ai longtemps voulu, car du jour au lendemain ma vie entière s’est écroulée. Je comprends aujourd’hui qu’une partie d’elle devait vivre avec la culpabilité de ne pas avoir agi plus tôt.
Peut-être que dans son geste, elle espérait sincèrement que nous allions recevoir du support de l’équipe ou même du Cégep. Ce ne fut pas le cas.
Ces mots, mon violeur me les a dits lors d’un party où, après qu’un cercle se soit formé autour de nous et qu’on m’a obligée à lui serrer la main, il m’a entraînée dehors pour me menacer pour la énième fois. Du haut de ses 19 ans, il savait déjà que l’argent, la justice et le pouvoir étaient de son bord. Je l’avais enregistré, mais ce soir-là on m’a volé mon téléphone. Ses textos de menaces, l’harcèlement continu de lui en train de se masturber ou les preuves de mes demandes répétées pour qu’il me fiche la paix se sont donc envolées. Je suis vite devenue la risée du Cégep dans mes tentatives pour le retrouver, mais c’était peine perdue.
Le reflet que tout le monde me renvoyait était que j’exagérais et que je semais le drame partout où j’allais. L’énergie du désespoir m’a poussée à contacter la police pour une première fois. J’ai parlé du cellulaire volé et de ce qui s’était passé, mais j’ai été coupée au milieu de mon récit pour me faire demander, sur un ton accusateur : « s’tu ton ex ? Parce que si oui ça serait vraiment bas d’essayer de te venger comme ça ».
Sur le moment j’ai figé et mon réflexe a été de raccrocher.
Quelques mois plus tard, quand j’ai repris tout mon petit change pour les contacter à nouveau, le policier au bout du fil m’a dit : « c’est ben triste qu’est-ce qui t’es arrivé, mais tu réalises-tu que tu vas détruire sa vie si tu portes plainte ? ».
À l’époque, j’avais 17 ans et tout ce que je croyais être vrai jusque-là était mort. J’ai compris que ma vie (de « femme ») ne valait rien à côté de la sienne ou plutôt de sa « carrière » présumée. Lui aussi savait. C’est d’ailleurs ce qui lui permettait de passer à l’acte en toute quiétude et de bander si fort. Ce pouvoir infini sur la vie d’autrui. Le sadisme dans les interactions subséquentes qui créait l’emprise. Le silence de sa victime. La jouissance intrinsèquement liée au sentiment d’impunité. À la complicité sournoise de tous, car « c’est tellement un bon gars ».
En parallèle, je pouvais bien avoir l’air d’une « folle ». Sans savoir, j’étais devenue anorexique (pour gérer le stress et tenter d’avoir un minimum de contrôle sur ma vie). Je ne dormais plus et j’avais coupé contact avec ma famille ainsi qu’avec mes vrais amis. Je savais que trop bien que tout ne deviendrait que plus infernal si en plus il fallait qu’ils s’en mêlent, car je croyais (à tords) qu’il n’y avait rien « de légal » qui pouvait être fait dans ce contexte-là.
Surtout que des adultes en position d’autorité ont, avec leurs pouvoirs institutionnels, réussi à taire mon histoire et j’ai été directement témoin d’autres jeunes filles qui furent elles aussi silenciées dans d’autres dossiers puisque la réputation de l’établissement (très axée sur le sport) était plus importante que nos vies. Néanmoins, j’avais pour fuir toute cette violence, j’ai échafaudé un plan : mourir d’overdose à Amsterdam. L’overdose avait le mérite d’avoir l’air accidentelle, mais finalement je l’ai « manquée ».
À la place, j’ai eu droit à des visions quasi mystiques qui m’ont fait comprendre que je n’étais pas « souffrance », mais un être qui faisait l’expérience de la souffrance. Cette nuance était tout ce dont j’avais besoin pour commencer à guérir. Ensuite, quelques mois plus tard, une connaissance s’est ouverte à moi pour me suggérer d’aller chercher de l’aide. C’est donc ainsi que j’ai atterri pour la première fois dans un organisme d’aide et que j’ai découvert le féminisme. Néanmoins, j’ai eu de la chance. Je ne sais pas ce qui se serait passé si cette personne n’avait pas croisé ma route. J’étais excessivement fragile et jusque-là, je croyais que c’était faire preuve de faiblesse que d’aller chercher de l’aide.
Mon parcours de survivance a débuté le jour où j’ai accepté d’offrir mon image à ce même organisme. Sachant que j’avais été dépossédée de mon histoire après m’être confiée à une autre victime de mon agresseur, on m’avait présenté cette opportunité comme un moyen de reprendre le contrôle de mon histoire. Or - du jour au lendemain - elle m’a glissée des doigts à nouveau. En effet, je me suis retrouvée à avoir mon visage sur les babillards de la ville et même dans l’agenda de l’université que je fréquentais.
Pourtant, quand j’ai accepté, on m’avait assuré que c’était des dépliants et des outils qui resteraient entre les murs de l’organisme. Déboussolée d’avoir soudainement le mot « victime » collé sur le front partout où j’allais, j’ai tenté de me convaincre que c’était peut-être pour le mieux et que je vivais avec la honte de ne pas avoir pu faire « plus » contre mon agresseur qui avait récidivé depuis.
Un médecin m’avait d’ailleurs dit que c’était de ma faute s’il y violait d’autres parce que je ne l’avais jamais emmené en cours. Pourtant, je n’ai jamais eu besoin d’une condamnation de la part d’un tribunal pour valider ma vérité. Je sais très bien ce qui s’est passé puisque j’y était.
Cette posture a éveillé la curiosité des médias locaux. C’est ainsi que je me suis retrouvée à donner ma première entrevue. C’est peu à peu devenu un devoir civique à mes yeux que d’exposer publiquement l’enjeu de la culture du viol. C’est d’ailleurs un des motifs qui m’a poussée à cofonder « Québec contre les violences sexuelles » avec Kimberley Marin et Ariane Litalien en octobre 2016.
Au sein de cette implication citoyenne, nous avons réalisé l’impossible en démocratisant le terme « culture du viol » au Québec en plus d’influencer le gouvernement du Québec à se pencher sur la création d’une loi-cadre dans les institutions postsecondaires. Nos actions ont d’ailleurs amené le gouvernement du Québec à investir 44 millions pour lutter contre les violences sexuelles en octobre 2016 et 23 millions $ pour lutter contre les violences sexuelles sur les campus en août 2017 en plus de faire de la violence sexuelle un enjeu prioritaire et transpartisan en raison de l’intérêt dans la société civile et auprès des médias que nous avons su créer, susciter et maintenir.
Néanmoins, peu après, le chef de police de la ville où j’habitais m’a convoquée à son bureau en compagnie de son responsable aux communications puisqu’il était insulté que j’ailles dénoncé publiquement l’incompétence de ses policiers. Il m’a fait croire que ma posture témoignait de mon incapacité à être passée à autre chose et que je n’en serais véritablement libérée que lorsque je déposerais officiellement ma plainte. Dans la souffrance, j’avais espoir que ça me libérerait d’un certain poids, soit celui qu’il ne répète pas son geste à nouveau.
Aujourd’hui je sais que c’était un piège. C’est celui qu’on tend aux victimes et qui les pousse à croire que leur point de vue n’est valide que si leur agresseur a été déclaré coupable. L’histoire qu’on ne dit pas c’est que ce scénario relève de l’exception plutôt que de la règle.
D’autant plus que le DPCP a maintenu, dans une rencontre où je contestais la décision de ne pas aller à procès, qu’« ils préfèrent avoir des milliers de coupables en liberté qu’un seul innocent en prison ». Je peux comprendre pour les délits mineurs, mais en cas de viol ; un agresseur peut faire plusieurs victimes au courant de sa vie! Combien de vies brisées pour maintenir en place la réputation cette institution (la justice criminelle) ? D’autant plus qu’il est grand temps de commencer à penser aux 997 victimes/survivantes sur 1000 qui ont été oubliées par le système.
De surcroît, il faut aussi se pencher sur les cas extrêmement rares de victimes/survivantes qui ont vu leur violeur être déclaré « coupable » par un tribunal pénal (3 sur 1000). En effet, cette forme de justice, punitive et ancrée dans la culture carcérale, a-t-elle vraiment répondu à leurs besoins ?
Ce long processus revictimisant a-t-il réellement contribué à leur reconstruction et au
développement d'un véritable sentiment de justice ou sont-elles sorties de ce système plus brisées qu'elles ne l'étaient avant d'y entrer ? À qui ce système sert-il et pour qui travaille-t-il réellement ?
Ces questions doivent être posées car la conviction et le sentiment d'avoir obtenu justice et réparation en tant que victime/survivante sont deux choses bien distinctes tel que décrit précédemment. D'autant plus que la criminalisation de la violence sexuelle dans le système de justice pénale a toujours été une erreur historique et qu'aucune formation ni réforme ne pourra changer cela. La raison en est que tout ce processus est entièrement centré sur les droits de l'accusé et repose également sur le principe de la présomption d'innocence, un pilier fondamental du système juridique et de la démocratie au Canada.
Par conséquent, c’est impossible de lutter ni être moralement contre cela. Surtout que pour certaines victimes/survivantes, on ne peut nier que l'idée d'être entendues par un juge peut être source d’empouvoirement. On ne devrait jamais préconiser de supprimer tout levier qui pourrait potentiellement empêcher la création de nouvelles victimes/survivantes puisque certains violeurs ne peuvent être réhabilités et représenteront toujours une menace pour la société.
Ceci étant dit, nous devons regarder plus loin et innover car le droit pénal ne devrait pas être la norme ni la première ou la seule option présentée aux victimes/survivantes. L'accès aux autres domaines du droit et aux alternatives à la justice devrait être tout aussi financé et l'accès à l'aide et au soutien ne devrait pas être un parcours du combattant comme c'est le cas actuellement.
Le fait que tant de victimes/survivants et de mouvements sociaux dénoncent à l'unisson la manière dont les institutions les ont historiquement trahies et abandonnées est un signe de l'urgence que nous avons à sortir du mode de pensée qui a établi le problème en premier lieu.
D’autant plus que je ne savais pas qu’une décennie plus tard, après avoir fait mon premier dévoilement, je serais encore coincée dans un chaos qui m’amène à me demander si finalement le pire c’était l’agression ou la réponse de la société.
Ma renaissance commence avec ce que je viens tout juste de vous partager. Je refuse de rester en lutte, je veux commencer à vivre. Partir à la quête de douceur et liberté, aller à la découverte de moi-même. Renouer avec l’art, mon corps et l’amour. Je souhaite - un jour à la fois – reprendre le plein pouvoir de ma destinée.
Je suis de celles qui n’ont jamais connues d’abus au coure de leur vie. De bonnes amies me parlaient parfois de leurs agressions sexuelles. Il m’est impossible de comprendre ta souffrance J’ai si souvent répondue! À 50 ans je me suis soudainement souvenue d’un moment avec mon grand-père maternel où il m’a violé. J’avais peut-être 7 ans. Ce
Je suis de celles qui n’ont jamais connues d’abus au coure de leur vie. De bonnes amies me parlaient parfois de leurs agressions sexuelles. Il m’est impossible de comprendre ta souffrance J’ai si souvent répondue! À 50 ans je me suis soudainement souvenue d’un moment avec mon grand-père maternel où il m’a violé. J’avais peut-être 7 ans. Ce souvenir n’a duré peut-etre que 8 secondes en temps. 8 secondes brutales. J’ai eu peur. Je me sentais comme dans une autre galaxie. Je ne comprenais plus rien. J’avais peur de ma tête. On venait de me donner quelque chose que je n’avais pas demandé et dont je croyais n’avoir nullement besoin. Encore aujourd’hui j’ai l’impressions que j’ai seulement été témoin d’une violence qu’aurait subie une toute jeune fille. Y’a 43 ans d’histoire qui me sépare d’elle. Je crois que le chemin peut etre long. J’aurais tant aimé la prendre dans mes bras. La consoler. La sécuriser. Lui demander sa confiance afin qu’elle me raconte ce qu’elle n’a jamais raconté. Mes souvenirs ne sont qu’une brèche. Je crois qu’ils le resteront aussi.
J’ai dû aller à sa rencontre en thérapie. J’ai dû regarder ma vie avec un angle différent cette fois. J’ai dû accueillir des limites jusqu’ici tenu en déni. J’ai dû accepter que je voyais dans chaque personne, chaque geste, chaque regard et chaque idée un agresseur. J’ai dû accepter que ma façon de voir les choses étaient irrationnelles et qu’elles le resteront peut etre toujours. Mais j’ai l’opportunité aujourd’hui de faire confiance à nouveau. De faire confiance pour vrai. De changer ma façon de faire. Je commence à peine ce qu’on appelle la survivance, lucidement. Peut etre que je me trompe et que je l’ai commencé au tout premier jour. Parfois quand je songe à la raison pour laquelle j’ai tout raconté à ma mère. Malgré la peine et la colère que ça lui a causé. Ma relation avec elle était devenue trop vraie, pour ne pas lui partager cette partie de moi qui prenait désormait une place importante. Je songe aussi à cette petite qui a enfin eu le courage de faire la même chose avec moi.
Au sommet de mes 19 ans, de ma joie de vivre, de ma grande et belle innocence, de mon amour pour tous dans leurs différences, dans le début de ma vie de jeune adulte où je chérissais la vie et où je découvrais le monde, où j’étais dans le moment présent à simplement vivre, j’ai perdu pied pour m’enfoncer dans un gouffre immense, noir et par moment
Au sommet de mes 19 ans, de ma joie de vivre, de ma grande et belle innocence, de mon amour pour tous dans leurs différences, dans le début de ma vie de jeune adulte où je chérissais la vie et où je découvrais le monde, où j’étais dans le moment présent à simplement vivre, j’ai perdu pied pour m’enfoncer dans un gouffre immense, noir et par moment un gouffre infini avec comme seul goût la souffrance et la rage. La rage de vouloir vivre et la rage d’être encore en vie. J’ai passé plusieurs années à être en colère, contre moi, contre le système de justice, contre ma réaction lors de mon agression. J’ai traversé un chemin sans pitié de culpabilité envers ma personne, car je me sentais responsable de ne pas l’avoir mis hors d’état de nuire parce qu’il y en a eu beaucoup d’autres après moi. Après coup il est tellement facile de se juger sur nos réactions en situation de survie et il faut aussi comprendre que les gens aussi ont une facilité à juger en fonction du temps, comme si on devait oublier après un temps précis. Alors que cet événement dans ma vie à tout changé. Cela a changé mes repères, ma façon d’être, mes projets, mes relations avec les autres. La détresse et la souffrance profonde en mode de survie ont un goût particulier, une odeur particulière, c’est presque comme si on pouvait la toucher. Il faut apprendre à la caresser, à la rassurer et même à l’aimer pour enfin pouvoir réapprendre à vivre et à s’aimer un peu soi-même. L’autocompassion est probablement le mot le plus significatif dans mon chemin de vie quant à mon rétablissement. Apprendre à accepter, apprendre à ne pas juger, apprendre à me réapprivoiser avec mes nouvelles limitations, mes nouvelles peurs. Le chemin est très long et parsemé de rechute pour enfin arriver à connaitre la nouvelle moi, que je suis toujours en train de découvrir, 11 ans plus tard. Parce dans un mouvement infini d’acceptation et de rejet de celle que je devenais, de celle que je deviens de jour en jour, il devenait plus que difficile de me tendre la main à moi-même pour avancer quand le courage me fuyait de l’intérieur.
La résilience, je ne l’ai pas développée, je la porte depuis toute petite, j’ai la chance d’avoir un entourage aidante, même si par moment dans cette traversée, les jugements étaient bien présents. Je ne sais pas ce qui m’a le plus brisée entre l’agression elle-même ou encore la détresse quotidienne, le mal de vivre, le choc post-traumatique qui a diminué ma qualité de vie à un niveau plus que moindre pour ne pas dire à néant pendant certains moments de ma vie, parfois plus courts, parfois plus long.
L’espoir m’a toujours guidé au fond de moi, parce que sans cette lumière qui brille toujours même quand je souhaite la fermer, je n’ai jamais trouvé l’interrupteur. Dans les moments les plus insoutenables, dans les impasses, dans la plus totale des noirceurs, l’espoir m’a toujours habité. Mais quel combat épuisant, que de se battre contre soi-même tous les jours.
Puis dans toute cette horreur, il y a eu cette femme, celle qui fait partie d’une autre génération de victime que la mienne, mais victime du même monstre. Cette femme combative, si forte de tout, de sa personne, de ses actions, de son courage, de son désir de faire émerger de son expérience de vie traumatisante un projet si grand, les mots me manquent pour exprimer l’ampleur et la signification de ce projet. Parce qu’il n’y a rien d’autre à faire que de ce mettre en action, de dénoncer, de se battre, de se tenir debout, pour se réapproprier son pouvoir en tant que victime. Cette femme, son soutien, sa présence, cette compréhension si profonde des étapes de mon chemin de survivance, cette compréhension de mes rechutes, tout cela, me permet d’être là, d’être en vie, d’avoir une mission à réaliser, de donner un sens à ce qui est laid et horrible pour le transformer en quelque chose de beau et de grandiose. Ce combat, mon combat, notre combat, il est loin d’être fini, nous avons encore beaucoup d’années devant nous à continuer de nous battre pour protéger les femmes de notre société. Depuis que j’ai goûté à l’horreur, à cette souffrance et détresse qui a une odeur de mort, c’est devenu une conviction pour moi, de devoir faire tout ce que je peux pour que ça cesse, pour que ce monstre ne fasse plus d’autres victimes. Aujourd’hui, même si je ne suis jamais à l’abri d’une rechute de choc de stress post-traumatique, je souhaite continuer ma traversée vers un avenir plus beau, empreint de plus de douceur et je souhaite cette douceur à toutes les victimes de ces monstres. De l’ombre à la lumière, je renais de cette souffrance pour prendre mon envol et m’approprier mon pouvoir, mon autonomie. Et surtout, Je souhaite me pardonner pour toute ces fois où j’ai été trop dure avec moi-même.