Depuis 2009 c'est au tournant de chaque année que je savoure mes deux seules semaines de repos annuel. Cette année, c’est dans le croquant du froid québécois, mais le cœur bien au chaud auprès des miens que j’ai passé cette période. Demain si c’est encore l’hiver, c’est aussi le début de mon avant-dernière session, l’avant-dernier cours de mon baccalauréat.
Ma collation des grades au célèbre Berklee College of Music est planifiée, ma moyenne est excellente et j’aurai peut-être le plaisir de recevoir mon diplôme avec la mention Magna Cum Laude. Cela me rend heureuse, presque euphorique, mais j’ai aussi très peur. J’ai peur qu’il m’arrive quelque chose de terrible si proche de la fin, du but : recevoir mon diplôme et de terminer la réalisation de mon prochain album de musique.
Mais pourquoi tant d’effrois? Parce que mon corps se souvient...
Du manager hors de lui qui me mettais un revolver crinqué sur la tempe et me menaçait de mort avant de me faire vivre l’enfer jusqu’à ce que je quitte mon groupe qui allait si bien, roulait sa bosse;
d’un viol tsunami qui a laissé des traces indélébiles et m’a arraché à la maternité, quand mon fils n’avait pas encore deux mois;
du vide atroce que ce tsunami a laissé dans ma tête et qui me forçait à abandonner ma troisième année de baccalauréat à l’Université de Montréal en musique;
d'un ex apathique vis-à-vis mon état de survivance et qui m’humiliait sournoisement jusqu’à ce que j’implose dans ma prison de honte;
Oui, j’ai peur. J’ai peur parce que je n’ai pas tout à fait la foi que la vie me permettra d’aller au bout de mon rêve, car ...
Aller jusqu’au bout c’est d’avoir le dernier mot sur mes agresseurs malgré mes blessures et mes handicaps. C’est de vivre et de sourire à nouveau en enterrant la haine avec laquelle la culture du viol m’a flagellée pendant tant d’années, beaucoup trop d’années. Aller jusqu'au bout c'est de pouvoir enfin crier haut et fort...
Vous ne m’aurez pas tuée.