Pour l'année 2017, le magazine Time a nommé collectivement toutes les personnes derrière le mouvement #MeToo comme personnalité de l’année. Ce qui pour moi inclus évidemment le mouvement #moiaussi, #balancetonporc jusqu’au #timesup du début de l’année 2018. Extraordinaire!
Cependant, ce que j’aimerais partager avec vous aujourd’hui c’est que pour nous victimes, cet exutoire nécessaire devient tôt ou tard un calvaire dans les coulisses. Notre soulagement devient parfois âcre même face à celles et ceux qui se croient empathiques à notre état de survivance, de troubles anxieux, et qui se disent tout à fait en désaccord avec la culture du viol.
Éventuellement, notre incommensurable sentiment de libération est frappé par une sorte de foudre qui nous transperce d’amertume et c’est ce que j’appelle l’effet boomerang. Nous devenons soudainement plus souvent qu’à notre tour le bouc émissaire de choix dans toutes sortes de situations, en particulier quand cela va mal: accrochages relationnels, erreurs de distraction ou une situation qui s’envenime.
Notre condition de stress post-traumatique aka notre état de survivance se transforme en un réel handicap avec nos proches. C'est à l'abri des regards inquisiteurs que nous, les survivantes, entendons bien souvent les phrases troubles qui sournoisement nous renvoie à nous même, notre traumatisme et coupent tout espoir de communication saine: " J’ai lu sur le ESPT, tu sais... " ; "Ce n’est pas de ma faute si tu te sens blessée par mes commentaires, tu es trop fragile" ; "Ce n’est pas moi qui ai le ESPT" ...
Alors, Si prendre la décision de se livrer entièrement au monde entier est très noble, il faut rester lucide et savoir que de révéler notre passé de victime nous expose à vivre une sorte de chasse aux sorcières. Une chasse qui fort heureusement aujourd'hui ne se termine pas sur le bucher.
Voici la chanson « Rage » que j'ai coécrit en 1994 avec François Nadeau et Ed Dawson pour le projet Cloak and Dagger dont l'album est sorti en 1996.